Rien ne se perd, rien ne se crée

 

Postulat dogmatique, ou bien, fait observable, voire observé, et valide en toute circonstance ?
Pour nous faire une opinion, pesons le pour et le contre.

Au préalable toutefois, quel peut donc bien être ce "rien" qui ni ne se perd, ni ne se crée ? Et même, qu'entendons-nous par "rien" ? Que signifie ce terme si couramment employé dans la vie de tous les jours ?

"Rien"... Cette seule idée montre que ce "rien" ne peut qu'être déjà quelque chose. Pas grand chose, mais déjà quelque chose. Quelque chose qui existe. Il est intéressant de rapprocher ce sujet du "rien" d'un titre de journal : "Pourquoi existe-t-il quelque chose plutôt que rien ?", reprenant la célèbre formule de Leibniz : "Pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien ?"
"Rien" employé au sens de "néant". Faut-il alors comprendre par la formule : "Rien ne se perd, rien ne se crée", rien ne peut surgir du néant, rien ne peut y retourner ?

Cette formule : "Rien ne se perd, rien ne se crée", je l'ai entendue à la radio de la bouche de Jean Luc Godard. Il citait là une autre personne qui considérait, comme lui, que l'homme ne crée "rien", et ne peut porter décemment le titre de créatif, encore moins celui de créateur. Faut-il en croire que l'auteur n'est pas un créateur, même celui des univers fictifs qu'il donne à contempler ?

L'univers justement. Nous y revenons, et il semble devenir le personnage principal de la représentation de ces lignes. Représentation ; un "rien" parmi d'autres, qui ne se crée pas, et ne saurait être une création de ma part, puisque : "Rien ne se perd, rien ne se crée".
Ainsi, tout existerait déjà dans notre univers, sous une forme ou une autre, latente, virtuelle. Et ce qui ne survient pas dans notre univers, surviendrait dans un autre, un univers parallèle au nôtre, à en croire la théorie des univers parallèles.
La chose serait déjà là, se contentant de s'actualiser, de prendre réellement forme. Mais rien ne pourrait prétendre à sa création, encore moins un être humain.
La physique contemporaine de ce début du vingt-et-unième siècle établit d'ailleurs la conservation de l'énergie au sein de notre univers. Pour elle également, rien ne se perdrait, rien ne se créerait. Cela conforterait l'opinion de Jean Luc Godard.

La physique justement. Les physiciens auraient eu l'opportunité d'observer des particules virtuelles, naissant et mourant presque "aussitôt". Une longue démonstration ne nous avancerait guère, si ce n'est à nous plonger dans une discertation conventionnelle, je m'en tiendrai donc à l'essentiel : "aussitôt".
La différence est là, dans le temps, celui qui nous montre à chaque instant que tout change ; l'entropie. Oui, à mon sens, le temps fait toute la différence. Et de l'avenir, naît le présent, et les nouvelles choses, du moins, cette multitude de "riens" dans leur nouvelle forme ; l'actualisation de leur nouvel état.

En conclusion, autant serait-il prétentieux de s'affubler du titre de créateur, autant prétendre  : "Rien ne se perd, rien ne se crée", relève d'une humilité taciturne paradoxale, tel un cavalier émérite tirant sur la bride pour retenir son cheval.