Notre monde nous apparaît, et nous l’appréhendons, comme fait de 4 dimensions, les 3
dimensions de l’espace et une 4ème, le temps.
Ce sont les 4 dimensions de l’espace-temps.
Et si nous savons depuis notre plus jeune âge nous déplacer dans les 3 dimensions de l’espace,
il nous est plus difficile de domestiquer le déplacement dans le temps, celui-ci n’étant pas en
pratique assujetti à notre volonté. Certes, à chaque nouvel instant nous avançons vers un
nouveau présent, « avant » entre alors dans le passé tandis que le temps qui s’écoule grignote
peu à peu l’ « après », le futur. D’une certaine manière nous voyageons dans le futur.
Le temps est l’un des mystères les plus anciens de toute l’histoire de l’homme. L’homme rêve
depuis toujours de maîtriser le temps. Il chahute même son bon sens en tentant de trouver un
moyen de voyager dans le temps.
Par sa théorie de la relativité, Albert Einstein aurait démontré qu’il serait possible du moins en
principe de voyager dans le futur, mais sans espoir de retour.
D’autres s’intéressent à cette question pleine de paradoxes en se demandant comment voyager
dans le passé : Que se passerait-il pour un voyageur s’il pouvait se déplacer plus vite que la
lumière, ralentir le temps voire en inverser la flèche en plongeant au cœur d’un trou noir, en
tournant très vite autour d’une corde cosmique ?
Les idées et théories ne manquent pas. Pourtant une solution nous apparaît, pour peu que l’on
se projette vers le futur, là où on ne l’attendait pas : le monde des ordinateurs !
L’ordinateur moderne n’apparaît vraiment qu’à la fin des années 40 sous l’inspiration de Von
Neumann, avec la création d’EDVAC, premier ordinateur programmable [Au cœur d’Internet,
Jacques Vallée, 2003, Editions Balland pour la traduction française 2004]. Et depuis, on
constate, blasés, que la puissance des ordinateurs double tous les 18 mois. En regard des
ordinateurs d’aujourd’hui et des prouesses qu’ils accomplissent, au cinéma par exemple dans
le domaine des effets spéciaux numériques, juste 60 ans après les premiers pas de l’ordinateur
dans notre monde, comment imaginer ce qu’ils pourront faire dans quelques milliers
d’années ?
Ils sauront faire bien plus que donner l’illusion du réel comme au cinéma, ils sauront simuler
le monde, simuler des époques passées, simuler toutes les époques, peut-être même
« rembobiner le film », donner vie à des entités numériques bien plus sophistiquées qu’un
tamagushi, des gens comme nous dans un monde comme le nôtre, mais un monde dont il ne
sera pas possible pour ses habitants de se rendre compte de sa nature simulée !
Et si nous étions dans un tel monde ?
Saurions-nous le découvrir ? Serions-nous en mesure de conclure à la nature simulée d’un
atome juste en l’observant à travers l’œil d’un microscope électronique ?
Prendrions-nous conscience un matin de notre nature fondamentale d’entités virtuelles, fruits
de la simulation, au-delà de la simple image que nous avons de nous-mêmes ?
Si c’était le cas, ce serait la faillite de la science, qui n’aurait à observer que le reflet des
objets qu’elle étudie, leur essence véritable lui étant à jamais inaccessible ; certes il resterait
des fondamentaux tels que les mathématiques ou les religions, mais nous serions toujours
aussi loin de la maîtrise du temps et de notre monde même.
Pour répondre à la problématique de la nature de notre monde : « réel ou virtuel ? », il y a
néanmoins un espoir. Revenons au cheminement de pensée, à l’expérience de pensée, qui a
mené de la question du voyage dans le temps à cette problématique étourdissante : le fantasme
de maîtrise du temps trouvant écho dans les technologies de l’informatique sans cesse plus
puissantes.
Dans l’avenir, nos descendants disposeront du moyen de créer des mondes dont les créatures
y évoluant ne pourront statuer sur leur nature virtuelle, des créatures à notre image. Et ces
« dieux » auront sans doute envie de visiter ces mondes, motivés comme nous par la curiosité,
l’esprit de découverte et de conquête. Ils auront vraisemblablement des outils très simples
pour prendre la mesure de ce qui s’y passera, pour connaître le résultat d’une élection, les
grandes tendances du comportement d’une société ou d’une économie toute entière face à un
régime politique particulier, ou dans le cadre d’une troisième guerre mondiale que l’avenir
aurait su éviter durant les prochains millénaires.
Pourtant, rien ne vaut une visite « in vitro » dans l’un de ces mondes ! Et il se pourrait que
l’un de ces voyageurs venu de l’au-delà, se projetant sous la forme d’un artefact ou
temporairement dans l’enveloppe d’une créature simulée, se trahisse d’une façon ou d’une
autre auprès de l’une de ces créatures.
La perspective est double : tout d’abord, une créature découvrirait le pot aux roses,
deuxièmement, l’autre créature, celle dont l’enveloppe est investie par le voyageur venu de
l’au-delà, pourrait découvrir un moyen même accidentel de prendre le contrôle de son hôte, de
se mêler ou même de se substituer à son hôte ; avoir la preuve de la simulation, et pouvoir en
sortir.
A ce stade, il n’est guère possible d’aller plus avant dans l’extrapolation et la spéculation
scientifique. La science-fiction prend la relève.
En fait, la science-fiction a pris la relève depuis longtemps déjà et m’a généreusement guidé
dans cet exposé - librement inspiré du documentaire de Malcolm Clark « Les explorateurs du
temps » (Grande-Bretagne, 2001) diffusé sur France 5 le jeudi 24 mars 2005. Depuis
longtemps :
1964, avec Simulacron 3 de Daniel Francis Galouye,
adapté en 1999 au cinéma sous le titre « Passé virtuel » (The thirteenth floor).
1999, date de sortie également de
l’explosif Matrix des frères Wachowski.
Et tout cela, nous le savons, est de la pure science-fiction.
Neocobalt, le samedi 26 mars 2005.