Réalisé par Andy & Larry Wachowski
Avec Keanu Reeves (Neo), Laurence Fishburne (Morpheus), Carrie Anne Moss (Trinity), Hugo Weaving (Smith)
La guerre entre les hommes et les Machines atteint son paroxysme. Les citoyens de Zion défendent furieusement leur cité contre l’armée des machines. Mais pourront-ils retenir les nuées implacables des Sentinelles en attendant que Neo s'approprie toute sa puissance et mette fin à la guerre ? Smith est quant à lui parvenu à prendre possession de Bane, l'un des membres de la rébellion. De plus en plus puissant, il est désormais incontrôlable et n'obéit plus aux Machines ; il menace d’anéantir la matrice...
Le fait que l’Oracle avise Neo de ce qui va se passer, et que ce dernier ne puisse rien faire
pour agir sur ces prédictions, montre que Neo n’a pas tout son libre-arbitre, qu’il ne peut rien
faire pour aller à l’encontre de ce destin malgré la connaissance qu’il en a. Cela cantonne à la
cause finale, au fatalisme, au destin et à ce qui en est dit, et rien de ce qui peut être fait ne
pourra changer ce qui est dit. Cela revient à nier le
déterminisme
selon lequel toute cause à un effet, et ici, aucune cause ne peut changer ce qui doit arriver nécessairement, même si
l’Oracle ne voit pas plus loin que le moment où Neo devra comprendre le choix qu’il a déjà
fait. En d’autres termes, Neo se détermine par ses choix, mais il ne peut plus rien faire pour
éviter les drames s’ensuivant, fatalisme oblige.
Ce constat suffit à supposer que Matrix reloaded & revolutions se fondent à la fois sur le
fatalisme et sur le déterminisme.
Et ce ne serait pas le seul déterminisme et une quelconque
prédiction par le principe de causalité déductive qui permettraient à Neo de voir l’avenir, en
particulier dans Matrix reloaded concernant son rêve récurrent, la chute de Trinity de
l’immeuble, assaillie par un agent.
Simplement tout s’écrit, et en poussant le bouchon un peu plus loin, comme le sont les
programmes informatiques, tout est écrit. Détournement rhétorique. Un programme est écrit,
certes, mais il s’agit de ses règles de gestion, de son mode de comportement en vue
d’automatiser une tâche, de résoudre un problème ou d’implémenter une simulation, de
modéliser, etc. Cela n’a rien à voir avec le « fatum » « fari », ou fatalisme, de ce qui est
« dit », écrit, la parole de l’Oracle. Détournement sémantique. Bouillie nominaliste.
Le fatalisme est une façon de nier le déterminisme.
Que choisir entre fatalisme et
déterminisme,
ce dernier qui aurait engagé deux principes de causalité, l’un en oeuvre dans la
matrice, l’autre en oeuvre dans le monde réel de Zion ? Deux déterminismes corrélés ? Car, on
le voit bien dans Matrix reloaded,
la chute de Trinity est un effet trouvant sa cause lors d’une attaque de sentinelles dans le monde réel de Zion.
Dès lors, le déterminisme du monde de
Zion serait le même que celui de la matrice. Embêtant ?
Entre déterminisme et fatalisme, antagonistes, que choisir ?
Il semble que les auteurs aient choisi les deux ; bouillie paradoxale. Il n’y a pas à choisir. Le
choix ne fait pas partie de l’équation de Matrix ; ce n’est qu’une illusion de choix.
Le déterminisme séduisant les scientifiques,
et le fatalisme satisfaisant les autres,
en particulier ceux qui n’aiment pas les questions et préfèrent les réponses toutes faites.
Ne soyons pas timides à ce stade de l’analyse, Matrix revolutions s’engage sur la voie d’un
monde de Zion réel, du moins non assimilable au sens strict à une autre matrice ou quelque
poudre aux yeux produite par les machines.
Nous sommes inexorablement conduits au cœur d’une bouillie métaphysique, et il ne peut en
être autrement, peut-être même en est-il bien ainsi : les deux derniers opus de Matrix nous
imposent une vision de la réalité, « transférée » depuis celle de la matrice. Car pour les
machines, les Animatrix nous le rappellent, toute réalité est virtuelle. Si les humains se
« machinisent » et si les machines s’humanisent, alors la matrice se « réalise » et la réalité se
« matricise » ; les deux réalités trouvant comme par enchantement leur hybridation, un
amalgame, au sein de mondes encapsulés où l’on ne sait plus ce qui est réel et ce qui ne l’est
pas. Une seule chose semble sûre : il y a quelque chose au-delà. Ce qui est possible dans la
matrice devient possible dans le monde réel ou peu s’en faut. L’essence synthétique et
artificielle de la matrice s’incarne, se « transfère » dans celle du monde réel. Et, par corollaire,
l’essence de la réalité du monde réel se « transfère » dans celle de la matrice. On ne sait plus
vraiment distinguer les deux l’une de l’autre. Et comme Neo investit l’agent Smith à la fin de
Matrix 1er opus, d’une certaine façon, suivant des modalités non exposées dans Matrix
revolutions, la matrice investit le monde réel, et par corollaire, le monde réel investit la
matrice, évidence qui se passe de justification. Métaphysique foisonnante et métaphysique
simpliste.
La civilisation des machines accède à un nouveau stade de son évolution, et il en est de même
pour l’humanité cristallisée par Neo.
Après des débuts prometteurs et novateurs, Matrix 1er du nom, les auteurs parviennent à nous
faire digérer dans les deux derniers opus, au prix de tours de passe-passe mal dégrossis, une
bouillie saturée d’oxydants : effets spéciaux coûteux à coups de gigas hertz « overdosés », de
philosophie verbeuse encyclopédique bigarrée partant dans tous les sens.
Néanmoins, les auteurs ont le mérite de nous faire aborder des thèmes universels qui nous
parlent. La trilogie nous apporte une réflexion sur de nombreux thèmes : mysticisme,
messianisme, dualité, sacrifice, amour, foi, choix, religion,
déterminisme, fatalisme, libre-arbitre,
réincarnation, clonage, esclavage, liberté, guerre et paix, réalité.
Dans Matrix revolutions, et dès la fin de Matrix reloaded,
les auteurs nous entraînent sur le chemin de la réalité.
Quelle est sa nature ?
Qu’est-ce qui est réel, et qu’est-ce qui ne l’est pas ?
La réalité ne serait-elle pas une illusion, une sorte d’hallucination ?
Dès lors, il n’y a pas de monde qui vaille plus que l’autre.
La difficulté pour comprendre Matrix reloaded & revolutions est que l’on a peine à
s’identifier à l’un de ces deux mondes, celui de la matrice comme celui des machines.
Si l’on examine l’une des deux options, on ne peut que faire le constat de l’irruption du
paranormal, du mysticisme et, à bien y penser,
de paradoxes.
La théorie de la seconde matrice qui circulait dans les forums au sujet de Matrix reloaded
avait l’avantage de donner des explications rationnelles et consistantes à toutes les questions
soulevées.
Les auteurs ont opté pour une vision plus simple, plus directe et, à bien des égards, sombre et
pessimiste qui nous laisse plus ou moins sur notre faim.
Sommes-nous face à une mystification de 300 millions de dollars ? Je n’irai pas jusque-là.
Juste un : Matrix revolutions, histoire décevante, et il en est très bien ainsi.
Neocobalt, le samedi 8 novembre 2003.