Titre original
Deux précédentes éditions françaises ont paru sous les titres :
L’édition originale datant de 1968, les droits reviennent pour la traduction française aux
Editions Champ Libre, 1976.
L’exemplaire dont je dispose est édité par les éditions J’ai lu, N° 1768, traduit de l’américain
par Serge Quadruppani.
Des Nexus-6 ont fui leurs maîtres de Mars et débarqué clandestinement sur Terre. Pour peu
que les tests standards se révèlent efficaces, il est possible d’identifier ces androïdes
organiques, plus que de simples robots, de grande intelligence, à tel point qu’il est difficile de
les distinguer des humains.
Rick Deckard, blade runner, est mis sur l’affaire. La police le charge d’éliminer les andros.
D’ailleurs la prime pour la réforme des Nexus-6 permettrait à Deckard de réaliser son rêve le
plus cher : remplacer son mouton électrique par un animal véritable.
Cependant, quand il rencontre la belle Rachel, Deckard est alors confronté au doute.
Il ne sait plus en qui faire confiance, ni en quoi. Peut-il tout bonnement continuer à croire en
lui-même ?
Ainsi, Rick Deckard est un blade runner, travaillant pour la police et réformant les androïdes.
Il vit avec sa femme Iran, son orgue d’humeur « Penfield » qui règle l’humeur du réveil au
coucher pour peu que l’on veuille bien le régler pour l’humeur désirée. Il y a l’Ami Buster, et
aussi son mouton électrique, artificiel, broutant sur le toit de l’immeuble, non loin de son
autoplane, là où l’air est noyé de poussières radioactives, résiduelles, legs de la Guerre
Mondiale Terminus.
Fichues poussières !
« Emigrez ou dégénérez, c’est à vous de choisir ! » disait le gouvernement.
Il y avait les spéciaux qui « n’arrêtaient pas de venir au monde, engendrés par des normaux
grâce à cette foutue poussière. »
Deckard, lui, est normal et ne songe pas à émigrer. Il y a son boulot. Son boulot de blade runner,
ses primes, lui permettraient de s’acheter un vrai animal, et non pas « le doux ersatz à
pattes qui continuait de ruminer tranquillement, les yeux fixés sur lui dans l’attente mécanique
d’une éventuelle gâterie d’avoine » à chacune de ses visites sur le toit. Pour un gros animal,
« la prime de réforme de cinq andros ferait l’affaire. Mille dollars par tête, en plus de son
salaire habituel. »
Il y a aussi « dans un immense immeuble, vide et décrépi, qui avait jadis abrité des milliers
d’habitants, un unique » résident : John Isidore, un spécial ; il sait qu’il n’a aucune chance de
rejoindre une colonie de l’espace. « Selon les règlements
établis par l’O.N.U., tout émigrant avait automatiquement droit à un androïde de son choix. »
Car il y avait de nombreux modèles d’androïdes. A l’origine « Combattant Synthétique de la
Liberté », arme de guerre, ce robot humanoïde était devenu un androïde organique
« susceptible de fonctionner dans des mondes étranges et hostiles [...] machine-outil sur
laquelle reposait l’ensemble du programme de colonisation [...] L’androïde servait de carotte,
les retombées radioactives de bâton. »
John Isidore, seul avec sa télévision et sa boîte à empathie offrant la fusion avec le vieil
Wilbur Mercer, le partage de son ascension, venant « rompre son illusion de solitude » face à
la bistouille... « La bistouille, c’est tous les objets qui ne servent à rien, les fouillis, les trucs
inutiles, le courrier publicitaire, les boîtes d’allumettes vides, les papiers de chewing-gum et
les journaux de la veille. Quand il n’y a personne, la bistouille se reproduit [...] C’est un
principe universel, à l’œuvre dans l’univers tout entier. L’univers entier, irréversiblement, se
dégrade progressivement jusqu’à la bistouille finale. N’y échappera bien sûr que l’ascension
de Wilbur Mercer. »
Quand Deckard apprend que le blade runner numéro un du service, Dave Holden, a été mis
hors course par un Nexus-6, qu’il y a huit andros en fuite et que Holden « s’en est fait deux »,
cela veut dire que la réforme des six androïdes restants lui rapporterait 6000 dollars et lui
permettrait d’acheter un animal véritable.
Mais le Nexus-6 ne représente pas n’importe quelle catégorie d’androïde ; il s’agit de la
dernière génération sortie de la Fondation Rosen. Et s’il n’y a aucun moyen parfaitement
fiable pour les détecter, il y a bien le Voigt-Kampff modifié, mais il faut tout d’abord
s’assurer que ce système de mesure des symptômes dit « aplatissement des affects » permet à
coup sûr de déceler tous les robots dans un échantillon de test, et ne risque pas de désigner à
tort un être humain comme robot.
Car que se passerait-il si un blade runner réformait un malade mental humain, schizoïde ou
schizophrène, une personne présentant les symptômes d’ « aplatissement des affects » ?
A travers ce récit dense et nerveusement découpé par sa frappe rapide,
Philip K. Dick
nous donne à partager, à travers une histoire s’étalant sur une journée, une
réflexion sur la nature de la réalité, ici celle de l’être humain. Qu’est-ce qui fait la réalité de
l’être humain, de sa mémoire ?
Les mirages de la bistouille et de la schizophrénie, de l’entropie de l’univers et de l’esprit,
sont là pour montrer que tout change, que rien n’est certain, si ce n’est l’illusion d’être...
d’être tout bonnement.
Le roman doit son titre Blade Runner à son adaptation au cinéma par Ridley Scott en 1982 ; il aurait bien pu ne jamais paraître sous ce titre, marginalisé sous son titre original Do androids dream of electric sheep ?.
Neocobalt, le mardi 17 février 2004.