La fin de l’Eternité

Isaac Asimov, 1965

Titre original :

The end of Eternity

(Doubleday & Co., Inc., N.Y)
© Editions Denoël, 1967, pour la traduction française.
Traduit de l’américain par Michel Ligny & Claude Carme.

L’exemplaire dont je dispose est à ma connaissance de la dernière édition en date chez « folio SF » n° 89 avec en couverture une illustration d’Eric Scala, ouvrage précédemment publié dans la collection Présence du futur aux Editions Denoël.

Roman d’uchronie, il a été écrit semble-t-il bien après les premières lignes de Fondation, l’œuvre emblématique de l’auteur, et celles de Seconde fondation, dont les pirouettes préludaient à l’apothéose de Fondation foudroyée et Terre et fondation. Et, même si La fin de l’Eternité n’est pas aussi bon que les précités et peine à démarrer dans ses 80 premières pages parfois ternes, de pirouettes il en est justement question dans ce roman : du Asimov pur et dur, récit cérébral, sentiments, personnages caractériels, intrigue, manipulations, retournements de situations.

Le ressort, « le pitch », est le voyage dans le temps.
Inventé par un savant, Mallansohn, le voyage dans le temps est utilisé par une organisation secrète qui s’est installée dans un recoin à l’abri du temps appelé l’Eternité et modifie la Réalité pour le bien de l’humanité.
Andrew Harlan, Technicien et spécialiste de l’histoire primitive, fait partie des Eternels, hommes prélevés à diverses époques dans le Temps, d’abord Novices puis destinés à changer de caste pour devenir Techniciens ou Calculateurs, à défaut, rester en bas de l’échelle microsociale en tant qu’hommes d’entretien. Les Calculateurs prévoient les interventions à effectuer et les Techniciens comme Harlan opèrent le Changement Minimum Nécessaire de Réalité afin d’éliminer « les inventions dangereuses, avant même qu’elles n’aient été imaginées » et supprimer « dans l’œuf les apprentis tyrans » (citation du quatrième de couverture) remplaçant la Réalité par une autre, plus pacifique et plus heureuse pour l’humanité.
Délégué par son supérieur à un autre service, Harlan rencontre Noÿs Lambent, une Temporelle, dont il tombe bientôt et passionnément amoureux jusqu’à l’aveuglement. Et quand il apprend qu’une prochaine modification de Réalité la fera disparaître, bravant les interdits de l’Eternité, il va aller jusqu’à commettre ce qu’il considère comme les pires crimes pour la sauver. C’est sur cette voie semée d’embûches qu’il va découvrir le secret de l’Eternité.

Dans ce roman, Asimov nous propulse d’emblée au cœur de l’intrigue et nous ne découvrons que peu à peu le contexte de la microsociété que constitue l’Eternité et la perversion qu’elle représente. Et, contrairement à certains avis que j’ai pu lire çà et là, le récit n’a pas vieilli, quoique daté ; les descriptions technologiques sont bien amenées, parfois visionnaires : il est question d’ordinateurs de poches, et la présence de reliquats d’époques « passées » n’échappe pas à la conscience d’Asimov qui intègre le tout à une volonté délibérée de la part de l’Eternité de faire des choix technologiques clairement définis par la tâche qu’elle s’est donnée : orienter l’humanité vers sa Réalité la plus favorable, à l’abri des dérives technologiques et de leurs effets néfastes.

En conclusion, je vous recommande ce roman dont le quatrième de couverture n'est pas des plus appropriés, ainsi qu'une lecture posée aussi bien que confiante, envers son auteur, des 80 premières pages qui mettent en place l’intrigue et l’univers de l’Eternité. Car ça démarre vraiment à la 80ème page, le suspens gagne en intensité jusqu’à la révélation ultime dans les dernières pages et s’achève avec ces deux lignes simples mais si éclatantes : « la fin définitive de l’Eternité » et « le début de l’Infinité ».

Neocobalt, le dimanche 22 août 2004.